Régime matrimonial
Pour déterminer la loi applicable au régime matrimonial, on distingue traditionnellement selon que les époux se sont mariés avant (1) ou après (2) le 1er septembre 1992, date d’entrée en vigueur en France de la convention de La Haye du 14 mars 1978. De nouvelles règles seront applicables pour les époux qui se marieront après le 29 janvier 2019 (3).
1. Époux mariés avant le 1er septembre 1992
Pour les époux mariés avant le 1er septembre 1992, la Cour de cassation leur reconnaît la liberté de choisir la loi applicable au régime matrimonial.
La loi applicable peut avoir été expressément choisie par les époux. Ce choix peut résulter d’une clause du contrat de mariage désignant la loi applicable.
Exemple : les époux ont déclaré, dans le contrat de mariage choisir le régime de la séparation de biens régi par les articles 1536 à 1543 du Code civil français.
Ce choix peut aussi résulter des différentes clauses du contrat de mariage qui, les unes et les autres, font référence à des dispositions d’une loi déterminée.
À défaut d’un choix exprès, la Cour de cassation invite à rechercher quelle est la loi implicitement choisie par les époux. Dans cette quête de la loi implicitement choisie, la Cour accorde une importance particulière au premier domicile matrimonial des époux après le mariage. Autrement dit, la loi applicable au régime matrimonial des époux est déterminée, à défaut de choix de leur part, en considération, principalement, du lieu de leur premier domicile matrimonial.
Exemple : Les époux (le mari de nationalité française et l’épouse de nationale italienne) se sont mariés en Allemagne en 1977, où ils ont vécu pendant 5 ans, avant de s’installer définitivement sur le territoire français. Le premier domicile matrimonial des époux étant localisé en Allemagne, leur régime matrimonial sera le régime légal allemand.
La Cour de cassation précise toutefois que la présomption en faveur du premier domicile matrimonial peut être détruite par tout autre élément de preuve pertinent, tiré notamment de l’attitude des époux après leur mariage. La loi française peut ainsi être applicable au régime matrimonial d’époux mariés au Maroc où ils ont fixé leur premier domicile matrimonial. C’est à la condition toutefois d’établir que les époux ont eu, au moment du mariage, la volonté d’adopter le régime français.
Exemple : les époux sont l’un et l’autre français ; ils ont, pendant le mariage, établi en France leurs intérêts personnels et pécuniaires ; ils se sont toujours présentés comme mariés sous le régime français de la communauté légale…
2. Époux mariés après le 1er septembre 1992 et avant le 29 janvier 2019
Pour les époux mariés après le 1er septembre 1992, la loi applicable à leur régime matrimonial sera déterminée sur la base de la convention de La Haye du 14 mars 1978 (ci après convention de La Haye de 1978).
La convention accorde aux époux une liberté de choix (conv. La Haye 1978, art. 3). Avant le mariage, les époux peuvent désigner l’une des lois suivantes pour régir leur régime matrimonial : 1. la loi d’un État dont l’un des époux a la nationalité au moment de cette désignation ; 2. la loi de l’État sur le territoire duquel l’un des époux a sa résidence habituelle au moment de cette désignation ; 3. la loi du premier État sur le territoire duquel l’un des époux établira une nouvelle résidence habituelle après le mariage. La loi ainsi désignée s’applique en principe à l’ensemble des biens des époux, quelle que soit leur nature (meuble ou immeuble) et quelle que soit leur localisation (en France ou à l’étranger). La convention de La Haye de 1978 autorise toutefois les époux à soumettre les immeubles à une autre loi que la loi choisie pour régir le régime matrimonial : à titre dérogatoire, les immeubles peut être soumis par les époux à la loi du lieu de situation.
Exemple : Des Anglais peuvent choisir de soumettre leur régime matrimonial à la loi anglaise (que l’on analyse traditionnellement comme emportant séparation de biens) et, pour les immeubles acquis en France, choisir le régime légal français de la communauté.
Précisons pour conclure sur ce point que, comme pour les époux mariés avant le 1er septembre 1992, la désignation de la loi applicable peut être faite par le biais d’une stipulation expresse ou résulter indubitablement des dispositions du contrat de mariage.
À défaut d’un choix de la loi applicable avant le mariage, le régime matrimonial des époux est en principe soumis à la loi interne de l’État sur le territoire duquel les époux établissent leur première résidence habituelle après le mariage (conv. La Haye 1978, art. 4, al. 1). Dans certains cas, la loi nationale commune des époux peut être déclarée compétente pour régir le régime matrimonial des époux (conv. La Haye 1978, art. 4, al. 2).
La Convention de La Haye du 14 mars 1978 prévoit ensuite des modalités de changement de la loi applicable au régime matrimonial pendant le mariage : d’une part, de manière volontaire et, d’autre part, de manière automatique.
Le changement de loi applicable au régime peut être volontaire. En effet, pendant le mariage, les époux peuvent désigner une loi interne autre que celle jusqu’alors applicable. Il peut s’agir de : 1. la loi d’un Etat dont l’un des époux a la nationalité au moment de cette désignation ; 2. la loi de l’Etat sur le territoire duquel l’un des époux a sa résidence habituelle au moment de cette désignation. Comme pour la loi choisie avant le mariage, la loi désignée pendant le mariage s’applique à l’ensemble des biens des époux, quelle que soit leur nature (meuble ou immeuble) et quelle que soit leur localisation (en France ou à l’étranger). Et, comme pour la loi choisie avant le mariage, il est possible de soumettre les immeubles à la loi du lieu de situation. En vertu de la convention de La Haye de 1978, ce choix de la loi applicable pendant le mariage à un effet rétroactif entre les époux. Autrement dit, loi désignée pendant le mariage est réputée régir le régime matrimonial des époux dès leur mariage (Contra C. civ., art. 1397-4, al. 1).
Le changement de loi applicable au régime peut être automatique. Lorsque les époux n’ont ni désigné la loi applicable, ni fait de contrat de mariage, la loi de l’État de leur résidence habituelle peut se substituer à celle qui était initialement applicable (loi qui est généralement celle de leur première résidence habituelle après le mariage : Conv. La Haye 1978, art. 4). La convention de La Haye de 1978 envisage trois cas de mutabilité automatique. La loi de l’État de la résidence habituelle des époux devient immédiatement applicable « si la nationalité de cet État est leur nationalité commune, ou dès qu’ils acquièrent cette nationalité » (conv. La Haye 1978, art. 7, al. 2, ch. 1) ou « si le régime matrimonial était soumis à la loi de l’État de la nationalité commune uniquement en vertu de l’article 4, alinéa 2, chiffre 3 » (conv. La Haye 1978, art. 7, al. 2, ch. 3). La loi de l’État de la résidence habituelle des époux devient applicable « lorsque, après le mariage, cette résidence habituelle a duré plus de dix ans » (Conv. La Haye 1978, art. 7, al. 2, ch. 2). Quelle que soit l’hypothèse, le changement de loi applicable s’opère à l’insu des époux qui, bien souvent, ne le découvrent qu’au moment de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux. Elle peut constituer une « véritable bombe à retardement ».
Exemple : Les époux, tous deux de nationalité française, se sont mariés en 1999 aux États-Unis, où ils ont vécu pendant un an avant de rentrer en France. Le régime matrimonial des époux a été initialement régi par la loi américaine en tant que loi de leur première résidence habituelle après le mariage (Conv. La Haye 1978, art. 4). Mais, à leur retour en France, une mutabilité automatique en faveur de la loi française s’est produite puisque la loi de l’État de leur nouvelle résidence habituelle était celle de leur nationalité commune (Conv. La Haye 1978, art. 7, al. 2, ch. 1).
Exemple : Les époux, tous deux de nationalité marocaine, se sont marié en 1995 au Maroc où ils ont vécu pendant deux ans avant de s’installer définitivement en France. Le régime matrimonial des époux a été initialement régi par la loi marocaine en tant que loi de leur première résidence habituelle après le mariage (Conv. La Haye 1978, art. 4). Mais, après dix ans de résidence en France, une mutabilité automatique en faveur de la loi française s’est produite (Conv. La Haye 1978, art. 7, al. 2, ch. 2).
Dans les deux cas : La loi étrangère initialement applicable prévoyait un régime légal de séparation de biens. Après la mutabilité automatique vers la loi française, le régime matrimonial des époux est une communauté réduite aux acquêts.
La convention de La Haye de 1978 précise qu’un tel changement de la loi applicable « n’a d’effet que pour l’avenir, et les biens appartenant aux époux antérieurement à ce changement ne sont pas soumis à la loi désormais applicable ». Il convient donc de diviser en deux masses les biens des époux pour dissocier ceux soumis au droit étranger de ceux soumis au droit français, afin de prendre en compte le sort des biens dépendant de leur premier régime pour envisager la liquidation de leur second régime.
3. Époux mariés après le 29 janvier 2019
Les époux qui se marieront ou qui désigneront la loi applicable à leur régime matrimonial après le 29 janvier 2019 entreront dans le champ d’application du règlement (UE) 2016/1103 du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux (ci-après règlement Régimes matrimoniaux) Les règles du règlement Régimes matrimoniaux sont assez proches de celles de la convention de La Haye de 1978. Deux différences peuvent toutefois d’ores-et-déjà être signalées : d’une part, l’impossibilité de morceler le régime matrimonial pour le soumettre à plusieurs lois et, d’autre part, l’absence de mutabilité automatique de la loi applicable lorsque les époux n’ont pas choisi la loi applicable à leur régime matrimonial au jour de leur mariage.